Témoignage : au service évangélique des malades

2 novembre 2015

«  Cœur et compassion  » voilà ce qui anime Lise Caserta, responsable de l’équipe du Service Evangélique des Malades (SEM) de l’Isle sur Sorgue.

Cette équipe de 5 personnes pour le moment, comme toutes les équipes du diocèse, est accompagnée et formée par le Père Hubert Mathis. Elle est également largement accompagnée au niveau local, par le curé de la paroisse, le Père Bruno Jolet, qui encourage, appelle les personnes, et aime à rappeler que la communauté paroissiale ne se résume pas aux personnes présentes à la messe le dimanche, mais qu’elle s’étend également à toutes les personnes absentes malades, chez elles, à l’hôpital ou en maison de retraite.
Pour l’instant, l’équipe de l’Isle sur Sorgue se rend présente aux personnes de la maison de retraite ainsi qu’aux personnes séjournant en long séjour à l’hôpital local. La fréquence des visites est hebdomadaire, un planning est établi et donné à la surveillante en chef de l’établissement, avec laquelle se sont établis d’excellents rapports…ce qui ne fait qu’enrichir «  le climat d’affection réciproque  » entre visiteurs et visités  !

Entretien avec Odile Rivière, membre de cette équipe :

Bonjour Odile, depuis combien de temps faites-vous partie de l’équipe de l’Isle sur Sorgue  ?

Pour moi, c’est tout récent, puisque j’ai commencé au mois de mai dernier, en répondant à un appel lancé par le curé à la fin de la messe. Je me suis dit «  Pourquoi pas  ?  ». Je me suis proposée, et je pense que j’ai trouvé là, j’allais dire «  ma vocation  », mais en tout cas une «  action  » qui me convient. J’avais fait de l’éveil à la foi pendant 5 ans, sans forcément le vivre très bien  ; j’ai passé ensuite plusieurs années sans avoir vraiment d’action en paroisse. Mais là, j’ai l’impression que ça me convient bien.

Avec ces personnes-là, je me sens beaucoup mieux. J’ai l’impression que j’ai une action beaucoup plus gratuite. Avec des enfants, on peut dire que c’est un «  investissement  » car ensuite ils vont faire partie de la future Eglise. Là, c’est gratuit : les personnes sont là, très âgées, en fin de parcours sur la terre. Et même si cela peut paraitre égoïste, on sent qu’on leur apporte beaucoup. Même si on reste peu de temps, on est couvert de remerciements démesurés par rapport à cet instant de présence. Cela me surprend toujours  !

Cette gratuité que vous évoquez n’est-elle pas liée aussi à la fragilité et la vulnérabilité humaines qui vous font face lors de ces visites  ?

C’est vrai que ces personnes sont plus vulnérables que des enfants. Il y a la vulnérabilité physique et puis une grande tristesse face à leur amenuisement, à leur impuissance en tout (sur elles-mêmes, sur leur environnement, sur les décisions que d’autres prennent pour elles), à la conscience qu’elles ont de tout cela. Et nous, nous faisons l’expérience de leur questionnement face à la maladie, la mort. Plus que trouver des mots à ce moment-là, je leur prends la main, je leur souris. Je sais que c’est important pour eux.

Je vais d’ailleurs en priorité vers les personnes qui sont seules dans leur chambre, isolées, même si je rencontre aussi les personnes plus mobiles qui se retrouvent dans les petits salons mis à leur disposition.
Oui, il y a une grande solitude pour certaines personnes qui ont un grand besoin de visites….pour parler, pour passer du temps, mais très souvent il n’y a pas la dimension spirituelle. Je me présente comme étant de la paroisse et même si la dimension de ma présence est dite au départ, au fil des semaines, en rencontrant les mêmes personnes, il semble que seule ma présence leur suffise, sans autre dimension spirituelle pour elles-mêmes. Je ne fais pas de forcing, tout au plus, quand le moral n’est pas bon, je termine ma visite en leur indiquant que je prierai pour elles.

Mais ce manque spirituel que vous ressentez pourrait paraître antagoniste avec la joie que vous éprouvez dans ce que vous nommez «  vocation  » ou voie trouvée à travers ces rencontres de personnes visitées  ?

En fait, ce qui m’appelle et me porte ce sont deux paroles : «  Si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il  ?  » St Jacques (2, 14) et dans l’Evangile (Mt 25, 40) : «  … chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”
Oui, à travers ma visite, je leur fais passer un moment et si ça en reste là, je pense à Christian de Chergé : il vivait au milieu de musulmans, sans chercher à convertir expressément mais il était là. Moi, je suis là au Nom de Jésus, avec eux, et ils font partie de ma prière, notamment quand je vais à la messe.
Ceci dit, je suis débutante et j’attends des formations à venir qu’on m’indique peut-être des moyens de donner quelques petites touches de Dieu, sans forcément tomber dans le prosélytisme.
Par mon éducation chrétienne, j’ai toujours eu à cœur le souci des autres et j’ai surtout été dans une dynamique d’aide aux plus pauvres  ; cependant, quelquefois, j’agissais un peu forcée par le devoir. Là, je ne ressens pas cela et c’est un vrai épanouissement dans l’action envers les autres. Je n’aurais jamais imaginé que ce serait dans ce domaine-là  !

Il y a quand même des demandes de sacrements  ?

Oui, bien sûr. Et à ce sujet, quand à la fin de la messe, le Père Jolet remet les custodes aux personnes qui vont porter la Communion aux personnes âgées, il est bon qu’il rappelle à la communauté la présence de toutes ces personnes qu’on ne voit plus à l’église afin que tous soient dans nos prières.

Est-ce qu’il y a une parole ou un geste qui vous a marquée particulièrement depuis que vous faites vos visites  ?

Oui, il y a une dame qui ne vit son année qu’en fonction du pèlerinage à Lourdes qu’elle fait toutes les années au mois d’août. Elle m’a parlé de son attente, et quand elle en est revenue, elle était émerveillée, répétant sans cesse : «  Elle est belle Marie  !  » on sent que ça la porte et que ça l’aide. Et quand quelquefois, elle a une baisse du moral, Marie est son soutien. C’est d’ailleurs la seule personne à qui je porte la Communion.

Comment voyez-vous votre avenir dans cet engagement  ?

J’attends beaucoup des formations. Car au début, comme moi, on découvre, on écoute, accueille, mais j’ai, par exemple, l’impression que les personnes visitées me disent souvent les mêmes choses, et au-delà du fait qu’elles attendent ce moment de rencontre hebdomadaire, comment faire pour aller au-delà de ces conversations répétitives  ? Comment faire aussi, face au mutisme de certaines autres personnes  ? Et j’aimerais aussi savoir comment parler de l’espérance de Jésus  ?
Mais en attendant, je suis consciente de répondre à un appel et heureuse que cette réponse me convienne plus que je ne l’aurais imaginé  !